Les poilus

(F. Stavron - M. Stavron)

Sacem 1998

 

Statufiés sur la place, ils contiennent à jamais leurs plaintes graves, les poilus

Au-dessus de la Marne et sur le Chemin de Dames, la terre est brûlée

Tant de prières fermentent dans le repos de Verdun et du soldat inconnu

Les sillons ont gardé la douleur et le sang versé

 

Ils allaient d'un pas lourd dans les mauvais brouillards et dans l'horreur, les poilus

En "bleu horizon", baïonnette au canon, loin devant le tocsin

Dans la cendre des combats de feu, combien de corps étendus

Semblaient tenir l'Alsace et la Lorraine dans chacune de leurs mains

 

Ils affrontaient le froid de la mort dans la boue noire des tranchées, les poilus

Dans l'enfer des nappes de gaz et des griffes acérées des mitrailles

Sous le déluge de fer et d'éclairs qui hachait et déchirait leur corps fourbu

La guerre a tant mordu dans leur chair qu'elle en lèche encore leurs médailles

 

Car ils sont tombés au champ d'honneur et dans l'oubli, les poilus

Cette jeunesse innocente qui a mordu la terre au nom de la patrie

Le silence des gerbes de fleurs a gardé l'agonie sous les obus

Et le noir du deuil des mères et des femmes au ventre arrondi

 

Malgré le temps qui passe comme passait le vol des corbeaux sur les poilus

Dans nos mémoires étroites faisons une place à la reconnaissance

Ils sont les martyrs d'une terre qu'ils voulaient libre jusqu'au fond des nues

Et chacun de nous s'y balade en ignorant ce qu'est la délivrance

 

Statufiés sur la place, ils contiennent à jamais leurs plaintes graves, les poilus

Au-dessus de la Marne et sur le Chemin de Dames, la terre est brûlée

Tant de prières fermentent dans le repos de Verdun et du soldat inconnu

Les sillons ont gardé la douleur et le sang versé

 

La guerre est ce monstre de feu et d'acier

Qui nourrit ses charniers